La rue est une galerie, l’espace public un musée à ciel ouvert.
BigBay Magazine rencontre Pierre Lecaroz – Fondateur Magnetic Galerie
Pôle Magnetic nous invite à plonger dans un univers où la créativité dépasse les frontières et embellit le quotidien de tous ceux qui croisent son chemin. Pierre Lecaroz, fondateur et directeur de l’association et de sa galerie, agitateur d’idées et initiateur de nombreux projets culturels d’envergure et de notoriété internationale, partage avec nous son parcours et sa vision de l’art urbain.
Inaugurée en 2012, les objectifs de l’association Pôle Magnetic sont multiples. Expliquez-nous votre approche.
Ancien disc-jockey, ma première approche à la culture s’est faite par la musique. Puis, par une passion anodine et amatrice où j’ai commencé à prendre des photos de Street art dans la rue, je me suis laissé emporter par ce jeu de chasse au trésor urbain, redécouvrant ainsi ma ville dans ses détails architecturaux oubliés, voire confidentiels. Pour partager mes découvertes, j’ai créé une page Instagram, immédiatement suivie par de nombreuses personnes.
C’était il y a 10 ans. Nous étions alors aux prémices d’un phénomène mondial qui allait conquérir le coeur battant des villes. Cette passion m’a offert l’opportunité de rencontrer de nombreux artistes de rue et de les suivre dans leur démarche artistique. Ils m’ont appris les codes de l’art urbain, encore considéré comme pratique de vandalisme.
Au fil du temps, nous nous sommes aperçus que mener des actions concrètes sur le terrain nécessitait d’officialiser cette vitrine virtuelle que nous avions créée via les réseaux sociaux. L’association Pôle Magnetic, dont l’objet est de promouvoir les artistes de rue et valoriser la Ville sur la scène internationale, est donc née en 2012 et, après notre soirée inaugurale, tout est allé très vite !
Politiques, associations, entreprises… tous le tissu local bordelais était venu découvrir notre démarche et, pour la plupart, y adhérer. C’est ainsi que notre première grande façade, une œuvre du pochoiriste français et mondialement connu Jef Aérosol, orne désormais le C.H.U. Pellegrin de Bordeaux ; commandée par une association de lutte contre le cancer du sein qui souhaitait – par la voix du Street art – transmettre un message de prévention auprès d’un large public.
Vous souhaitiez aller plus loin dans la valorisation du Street art et avez créé le M.U.R. (Modulable Urbain Réactif) Bordeaux. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette démarche ?
Le M.U.R., Modulable Urbain Réactif, est un projet né à Paris en 2007 d’un collectif d’artistes qui détournaient les panneaux publicitaires sans autorisation. Suite au succès commercial du livre « Une nuit » qui est né de cette action, les municipalités furent sollicitées pour officialiser la démarche. Plusieurs M.U.R. ont ainsi vu le jour en France. La Ville de Bordeaux était à représenter et, en 2014, j’ai présenté ma candidature en tenant compte de la spécificité bordelaise : faire cohabiter harmonieusement une ville dont l’architecture est reconnue « Patrimoine Mondial de l’Unesco » et des créations contemporaines urbaines, à l’époque illégales.
Aujourd’hui le M.U.R. de Bordeaux fête ses 10 ans d’Art-ivisme au cours desquels nous avons eu le plaisir d’accueillir des légendes de l’Art urbain mondial – comme Jef Aerosol, Hopare, Speedy Graphito, RERO, Mono Gonzalez et Elliot Tupac – et avons pu contribuer à l’épanouissement de Street artistes bordelais comme les MonkeyBird, Rouge et Nast.404 qui bénéficient désormais d’une notoriété internationale. Ces actions nous ont permis de donner une autre dimension à la Ville tout en valorisant et focalisant les regards sur notre richesse locale.
Comment mesurez-vous l’impact de vos actions sur la communauté et le paysage culturel dans son ensemble ?
Si à l’époque les mentalités étaient encore un peu crispées face à l’Art urbain, notre vision des choses et le succès de nos actions ont fortement convaincu tant les politiques que les habitants. Aujourd’hui toutes les municipalités comprennent les enjeux structurels qui se cachent derrière le Street art.
Qu’ils soient touristiques avec la création du premier festival de Street art à Bordeaux, artistiques grâce au soutien économique réel que représente ce type de commande publique ou d’entreprise, ou encore sociétal par un embellissement de la ville et une revalorisation de quartiers habituellement dénigrés par l’opinion publique… Tous ces enjeux valent l’énergie que je déploie au quotidien et stimulent ma volonté d’aller encore plus loin dans cette démarche.
Un partenariat fort vous lie avec l’entreprise Unikalo. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Premier fabricant français de peintures pour les professionnels du bâtiment installé à Mérignac, le groupe Unikalo est un partenaire privilégié de l’association. Leur mécénat permet chaque mois la réalisation des œuvres éphémères du M.UR. ainsi que de nombreux projets de grandes façades. Ils sponsorisent également les plus importants festivals de Street art en France. Notre rencontre s’est faite en toute simplicité, par le biais d’une employée de l’entreprise, maman d’élève de la petite école primaire où le M.U.R. est adossé, touchée par ces œuvres qui ornent son quotidien.
En étant à l’écoute de leur salariée, les équipes dirigeantes du groupe Unikalo ont pris la décision de confier gracieusement leurs peintures aux artistes, témoignant ainsi d’une approche novatrice. Soutenant le tissu artistique émergeant, ils renforcent les liens entre l’entreprise et la communauté locale, tout en mettant en avant l’innovation technologique de leurs produits.
Avec une volonté forte d’intégrer l’art à leur politique RSE, le groupe a décidé d’aller plus loin en invitant 7 artistes pour embellir de leur talent les murs blancs de leur usine. Placer la qualité de vie au travail au centre des préoccupations aboutit à favoriser un environnement propice à la créativité et à l’innovation et se traduit par une culture d’entreprise dynamique et épanouissante.
Une galerie ayant le statut d’association, n’est-ce pas une vision décalée du marché de l’art ?
Notre statut associatif et le soutien financier de nombreux mécènes, nous offrent une totale liberté dans le choix de nos expositions. L’idée de permettre à des artistes talentueux qui sont aux portes de la notoriété internationale de devenir aussi connu que leurs pairs déjà établi, est un défi à la fois audacieux, émotionnel et stimulant, que je m’attache à relever chaque jour avec passion.
Située au coeur du quartier des Chartrons, sur la place de l’école primaire de la place Jean Avisseau, la galerie prend sa source aux origines du Street art : les quartiers populaires. Inaugurée en 2018, elle a pour objectif de promouvoir les créations d’artistes tout en préservant l’essence urbaine de son espace d’exposition. Face à une tendance grandissante d’intellectualisation de l’art contemporain, il arrive parfois de se sentir en marge. Dans cette galerie, collectionneurs et amateurs pénètrent dans un univers en perpétuel mouvement, où l’art est désacralisé et s’envisage comme culture vivante à part entière.
À travers cette approche, vous avez encouragé le développement de l’art en entreprise pour d’autres initiatives similaires. Expliquez-nous.
Grâce au programme mis en place par le Ministère de la Culture « 1 immeuble, 1 œuvre », 1% des nouvelles constructions immobilières est dédié à la création artistique, créant une économie vertueuse d’aide aux artistes et de défiscalisation pour les promoteurs. En premier lieu contactés par AFC Promotion, nous travaillons aujourd’hui avec Bouygues, Vinci et dernièrement avons réalisés un projet pour Belin Promotion.
Et comme le disait très justement Fleur Pellerin, anciennement Ministre de la Culture et de la Communication à l’origine du programme, « L’art partout, parce qu’il n’est pas seulement dans un musée, pas seulement dans un palais, pas seulement dans le salon d’un mécène ou d’un commanditaire, parce que l’art ne saurait être inaccessible. S’il est partie intégrante de la vie de chacun et de la vie collective, comment en effet le laisser inaccessible ? L’art partout, parce que l’acte de construire a quelque chose à voir avec l’acte de créer et qu’ils se mêlent parfois l’un et l’autre au point de se confondre. »
L’art en milieu professionnel est donc désormais votre nouveau défi ?
Avec une politique RSE qui prend de plus en plus de place, l’entreprise cherche à augmenter la qualité de vie de ses salariés. En insufflant une expérience artistique quotidienne, on constate immédiatement des conséquences positives sur le bonheur au travail et donc une augmentation des performances des salariés. Un tableau n’est jamais qu’une pièce rapportée suspendue à un mur. L’art n’est pas seulement objet, il est aussi identité graphique, et c’est sur cet axe que nous souhaiterions nous développer.
De nouvelles collaborations sont déjà prévues avec des entreprises comme la chaîne d’Appart’Hôtels City Résidence que nous embellissons d’un supplément d’âme à travers des peintures murales intérieures et extérieures ainsi que la décoration de 85 chambres par l’artiste bordelais Mika. Également la nouvelle usine du groupe Unikalo, récemment construite à Cestas, dont le site de 55 000 m² est aujourd’hui un nouveau terrain de jeu pour les artistes.
Association Pôle Magnetic & Magnetic Galerie
1 Place Jean Paul Avisseau – 33300 Bordeaux
www.polemagnetic.fr
t. 07 44 82 59 54
polemagnetic@live.fr
Mardi – Samedi de 14h00 à 19h00
Dimanche de 14h00 à18h00